Mettons la réflexion et la connaissance au service de la démocratie et du développement économique.
_________________________
Par Manuel RUBEN N’DONGO, écrivain franco-africain, consultant politique et Président Exécutif du C.R.A.M.O.E.G.
_________________________
POINT DE VUE !
Qu’est-ce en fait la « démocratie » dont tant de peuples et de nations a ont besoin de par le monde pour définir une structure politique collective ?
L’élément de la « démocratie » ou plus précisément, « structure politique du monde moderne » peut être définie, au sens le plus large, comme un acteur principal dans « l’organisation politique & administrative d’un peuple, d’une race, d’un clan ou d’une nation. »
Mais cette définition de la démocratie, si bien qu’issue des grandes démocraties libérales occidentales, ne saurait être considérée comme « la chose » qui ne conviendrait qu’aux seules nations de culture chrétienne, latine ou occidentale.
De par le monde, en Afrique, en Asie ou dans les Amériques…, l’étude des races et des peuplements ainsi que leurs modes de vie démontre que chaque groupement ethnique ou racial possède sa propre organisation sociale qui lui permet de réguler le fonctionnement de la société dans laquelle il vit.
De ce point de vue, nous pouvons objectivement considérer ce mode de vie comme incarnant les principes même de la vraie « démocratie. »
Si la démocratie, au sens occidental, permet à un régime politique de laisser le peuple ou l’ensemble des citoyens qui compose une nation détenir la souveraineté, nous pouvons, d’ores et déjà conclure que les peuples primitifs…, qu’ils soient d’Afrique ou d’ailleurs, exercent eux aussi en leur sein, une démocratie que nous pouvons assimiler à une « démocratie représentative » car, c’est celle-ci qui permet au peuple d’exercer sa souveraineté par l’intermédiaire de représentants élus.
Dans les sociétés tribales africaines, prenons le cas de la Guinée-Équatoriale par exemple.
Contrairement aux idées reçues et souvent répandues en Europe ou en Occident par une certaine catégorie d’intellectuels occidentaux dits « spécialistes des questions africaines » au sujet des Africains ou du continent africain, à les entendre, on a l’impression que l’Afrique est constituée d’une seule tribu, d’une seule culture, d’un seul peuple. Et pourtant, il n’y a pas de nationalité africaine.
Lorsqu’un Européen rencontre, au coin de la rue, un ressortissant originaire d’Afrique (pour parler péjorativement : un « noir ») : d’office, il l’assimile à un Africain. Et dans la foulée, une question fuse : Vous êtes Africain ? Mais, je me répète, il n’existe pas de nationalité africaine, tout comme il n’existe pas de nationalité européenne. On est Français ou Belge, comme on est Zaïrois ou Sénégalais.
L’Afrique est un vaste continent composé de plus d’une cinquantaine de pays indépendants, de centaines de milliers d’ethnies et tribus distinctes, parlant un peu plus de 1900 langues & divers autres dialectes. Chaque tribu se caractérise par une identité propre et une culture spécifique. Et pour mieux cerner le fonctionnement des sociétés tribales africaines, nous allons analyser brièvement le cas de la petite Guinée-Équatoriale puisque originaire de ce minuscule État peuplé de moins de 500 000 habitants.
Environ, six ethnies (Annobonais, Bengas, Bubis, Bujebas, Créoles, N’dowés, Fang Ocack, Fang N’toumou et pygmées) aux multiples tribus et clans cohabitent. La majorité étant de confession catholique et une minorité se réclame du protestantisme et animisme.
Dans ce pays, les Ocack ont leurs coutumes qui sont extrêmement éloignées de celles des N’toumou ou encore de celles des Bubis, des Annobonais ou des Bengas. Mais il n’y a rien de choquant à cela ! La pratique de l’altruisme, de la fraternité ethnique et des liens sociaux reste identique à toutes les ethnies.
Avant l’occupation coloniale, la Guinée-Équatoriale, tout comme les autres États africains colonisés anciennement composés de « mini peuples » avait dans chaque village, un chef. Chef mûr, protecteur des siens, guide éclairé de village et sage parmi les membres du groupe.
Aux confins de cette société tribale, la vraie solidarité a bel et bien existé au sein des tribus équato-guinéennes. Dans ce passé plein d’enseignement, il y a des exemples qui peuvent nous servir pour aménager un espace politique digne de ce nom et qui nous permettent de construire une société moderne.
En Guinée-Équatoriale, la solidarité ancestrale entre clans s’exprimait aussi, lorsqu’il s’agissait d’un mariage au sein d’une famille démunie et incapable d’assister leur fils pour la constitution d’une dot (coutume ancestrale dans les relations du mariage). L’ensemble des familles qui composait la tribu ou le clan se mobilisait pour contribuer à la concrétisation du mariage. On retrouvait également ce même élan de solidarité en cas de maladie grave touchant un membre de la tribu : Tout le village s’activait pour réunir les remèdes ou appeler, le cas échéant, le plus grand guérisseur.
De ce point de vue solidaire, il est facile de comprendre, que si cinq ou dix ressortissants du continent africain vivent en Europe dans une même pièce, en plein centre d’une mégapole, ils recomposent tout simplement « le village. »
En comprenant cette solidarité des cultures africaines ou équato-guinéennes à l’égard des parents ou des amis, ceci nous permet, non pas de faire perdurer les quelques éléments néfastes à ces nobles cultures, mais d’entrevoir « une vision moderne et démocratique » pour l’Afrique du XXIème siècle.
C’est la raison pour laquelle je crois fortement à l’émergence d’une vraie démocratie pluraliste. Car, cette démocratie libérale n’est pas incompatible avec le mode de vie ancestrale.
Au sein des chefferies traditionnelles par exemple, le chef de village n’était pas seul. Il présidait une espèce de « conseil des sages » chargé de régler quelques litiges de famille, de voisinage ou autres. Ils palabraient et, à l’issue d’âpres discutions, parfois houleuses, ils délibéraient.
Dans les villages peuplés par les Fang par exemple, ce genre de débats était organisé dans la « case à palabres » (Abehéat ou Abééeh en langue vernaculaire) aménagée pour la circonstance. « Abehéat » ou « Abééeh, » une cabane en bambous et en mélange d’écorces d’arbres tissées, construite depuis la nuit des temps dans chaque village, et qui pourrait être assimilée à une sorte d’édifice parlementaire puisque ce fut le lieu où tout se décidait : Règlements de conflits et litiges entre voisins ou époux ; dot, vœux et célébrations de mariage. Médiation dans les problèmes conjugaux, cas de divorce ou d’adultère… Bref, Abehéat ou Abééeh faisait à la fois, office de parlement, de mairie et de tribunal d’instance.
En pénétrant dans les tréfonds de la culture ancestrale des peuples de Guinée-Équatoriale, on trouve là quelques éléments forts qui avaient enrichit la culture sociale des aînés des descendants d’aujourd’hui et ceci nous donne la preuve qu’ils avaient déjà intégré le goût particulier pour « les débats d’idées et pour l’exercice de leur souveraineté (le village) par des représentants élus à mains levées grâce à la volonté des autres membres du clan. »
Cette structure sociale ancestrale, si bien archaïque par rapport au monde moderne, revêt tout de même la forme d’une « démocratie représentative. »
Autrefois, certains chefs de tribus traditionnels portaient le titre de roi ! Mais, un roi sans héritier dans la lignée, sans État, sans un regroupement ethnique, sans administration et sans aucune structure sociale modernisée.
Ce chef traditionnel n’apparaissait jamais comme une référence au sacré, pas plus comme un despote sanguinaire, mais plutôt comme un médiateur, un régulateur au sein de son cocon clanique. Sa sagesse et son autorité pondérée étaient acceptées de tous. L’évocation de son nom, de ses actes, de son rôle dans l’affermissement du tissu social tribal, rassurait sa communauté.
Par son intermédiaire, les villageois éprouvaient un sentiment de force et conservaient de ce point de vue, un contact direct avec le passé ancestral par la transmission orale.
La dignité, la sagesse, le savoir-être et le savoir-dire…etc., étaient perçus par la collectivité clanique & ethnique de Guinée-Équatoriale d’autrefois comme des modèles à suivre, comme l’idéal à atteindre pour une femme ou pour un homme respectueux des valeurs vertueuses et de la courtoisie.
Les anciens chefs des tribus d’antan n’usaient pas de la force. C’est pourquoi, dans la tradition culturelle des peuples de Guinée-Équatoriale, la prison, les tortures ou les assassinats n’ont jamais fait partie de leur culture traditionnelle.
Ces phénomènes ne seront introduits dans les mœurs locales que par la colonisation espagnole et repris par ceux qui ont transformé, en 35 années de règne absolu, la Guinée-Équatoriale en un vaste cimetière.
Chez les peuples africains de Guinée-Équatoriale, nous devons retenir ce sentiment d’appartenance à un groupe harmonieux et solidaire que revendique chaque clan, chaque tribu.
Mais en introduisant les facteurs de la modernité, la gestion moderne, la politique de réconciliation nationale, l’organisation administrative des régions par une vaste politique de la décentralisation, la bonne gouvernance et le respect strict des Droits de L’Homme… etc., la démocratie tribale africaine ou équato-guinéenne ainsi modernisée, deviendra effective en rejoignant finalement le club des peuples qui ont adopté les structures politiques de la démocratie athénienne.
Et pour définir un peu plus largement l’expression de la démocratie, nous pouvons l’analyser en ces termes et en quelques mots : union des hommes en un tout qui a un droit souverain collectif sur tout ce qui est en son pouvoir(1)
Cette brève présentation de « réflexion philosophique » sur la démocratie nous permet d’ouvrir les débats politiques qui, d’hier à aujourd’hui agitent la société équato-guinéenne par le biais de ses représentants politiques : autocrates et bourreaux, démocrates et forces nouvelles pour la renaissance d’une Guinée-Équatoriale moderne.
Dans les lignes qui suivent, je me propose de lancer un appel au peuple de Guinée-équatoriale et à toutes les forces démocratiques d’où qu’elles viennent, afin qu’ensemble, nous puissions trouver les voies nouvelles nous permettant de bâtir, non seulement une société fraternisée et réconciliée, mais aussi des structures politiques, économiques et sociales pour faire de ce pays un État moderne et « dédictaturisé. »
Nous, hommes et femmes politiques modernes, nous devons refuser la fatalité et engager notre pays vers des réformes institutionnelles,
Nous, hommes et femmes politiques modernes, nous devons refuser la violence et vider nos prisons de ces prisonniers politiques incarcérés injustement,
Nous, hommes et femmes politiques modernes, nous devons donner une chance de réussite à tous les citoyens sans aucune discrimination ethnique ou raciale,
Nous, hommes et femmes politiques modernes, nous devons cesser toutes les formes de persécution et d’arbitraire à l’égard des citoyens qui osent critiquer le système politique et ce, quel qu’il soit,
Nous, hommes et femmes politiques modernes, nous devons salarier correctement tous nos concitoyens ; revaloriser les salaires des fonctionnaires, de nos forces armées et de tous les travailleurs de la république afin qu’ils puissent se soigner, manger à sa faim, payer la scolarité de leurs enfants, se divertir, c’est-à-dire vivre décemment,
Nous, hommes et femmes politiques modernes, nous avons besoin de régler la dette extérieure de la Guinée-Équatoriale,
Nous, hommes et femmes politiques modernes, nous avons besoin de payer correctement, et d’une manière régulière, les bourses d’études pour tous nos étudiants à l’étranger et ce, sans aucun sectarisme,
Nous, hommes et femmes politiques modernes, nous avons besoin de rénover et construire de nouveaux hôpitaux, acheter des médicaments pour soigner les populations en souffrance !
Nous, hommes et femmes politiques modernes, nous avons besoin de consacrer 2 à 3% de revenus pétroliers annuels pour soigner les malades du SIDA et lutter efficacement contre cette pandémie.
Nous, hommes et femmes politiques modernes, nous avons besoin de consacrer 5 à 10 % des revenus pétroliers annuels pour construire des écoles, des centres de protection maternelle et infantile (CPMI),
Nous, hommes et femmes politiques modernes, nous avons besoin de consacrer 10 à 20 % des revenus pétroliers annuels pour construire des logements sociaux sur l’ensemble du territoire national afin de permettre à tous les Équato-guinéens, sans aucune discrimination, de se loger décemment,
Nous, hommes et femmes politiques modernes, nous avons besoin de consacrer 20 à 30 % des revenus pétroliers annuels pour : l’assainissement des eaux potables sur l’ensemble du pays, l’électrification de nos villes et villages et la construction de routes et d’autoroutes,
Nous, hommes et femmes politiques modernes, nous avons besoin d’appliquer une politique de responsabilité et de bon sens afin de rassurer et de nous porter garant sur les activités économiques des investisseurs étrangers dans notre pays.
Le but étant de leur offrir la stabilité d’un régime leur permettant d’investir massivement, et de travailler – sans crainte – durablement en toute sécurité dans leurs divers projets socio-économiques en Guinée-Équatoriale,
Enfin nous, hommes et femmes politiques modernes, nous avons besoin de consacrer 30 à 60 % de revenus pétroliers annuels pour : financer les reformes de l’État, la décentralisation et les institutions démocratiques du pays.
Par cette réflexion, j’en appelle à la responsabilité de la communauté internationale (ONU, Union Européenne, USA, Canada, Allemagne, Italie, Espagne, France, Belgique, Grande Bretagne, Pays-Bas, Mexique, Afrique du Sud, Maroc, Gabon, Cameroun, Sao Tomé-et-Principé, Union Africaine…) afin qu’elle intervienne rapidement pour aider à l’établissement d’un régime démocratique soutenu souverainement par le peuple de Guinée-Équatoriale tout entier.
Manuel RUBEN N’DONGO
__________________
(1) Spinoza
Fuente: Melle De Mirepoix - CRAMOEG - PARIS