LIBREVILLE, 10 mai (AFP) - 18h46 -
Un Gabonais raflé en compagnie de centaines d´étrangers début mars en Guinée Equatoriale, a raconté à l´AFP lundi, de retour à Libreville, les nombreuses exactions dont il a été victime comme ses camarades d´infortune.
Alain-Noël Mouketou, installé depuis sept ans à Malabo et cuisinier d´une entreprise de BTP, a été arrêté dès le début des rafles le samedi 6 mars.
”Ca a commencé à 16H00, on m´a pris vers 17H00 sur mon lieu de travail”, explique-t-il, ”toute la ville était pleine de militaires armés”.
”Une douzaine de militaires en tenue de combat sont entrés brusquement et m´ont demandé +toi, tu es étranger?+”, raconte-t-il.
”L´un d´eux a déchiré mon passeport et mis ma +résidence+ (carte de séjour, ndlr) dans sa poche. J´avais peur”, explique-t-il.
A l´extérieur, il rejoint environ 80 salariés sénégalais de l´entreprise voisine. Tous sont assis, mains menottées dans le dos. Bientôt arrivent des familles, femmes et jeunes enfants compris, venues du Nigeria, du Bénin ou du Togo.
”Il y avait des gens que je connaissais, une femme chez qui j´achetais des légumes au marché, avec sa famille dont sa fille enceinte et sa petite fille de six ou sept ans”, poursuit-il.
Entassés sans ménagement dans des camions, ils prennent la direction des différents commissariats de Malabo où, décrit-il, les cellules sont pleines à tel point que les détenus sont contraints de rester debout.
Lui, il a la ”chance” d´être placé dans la cour où, là aussi, tout le monde est debout. ”On arrête tous les étrangers, mais on ne sait pas ce qui se passe”, lui explique un policier qui les surveille quand il lui demande les raisons des rafles.
Alain-Noël Mouketou décrit le manque d´hygiène ainsi que les privations de nourriture et de soins, dont mourront certains détenus.
”Personne ne nous donnait à manger ou à boire (...) Il fallait payer une bière aux policiers pour qu´ils aillent nous chercher du pain”, affirme M. Mouketou, qui était parvenu à cacher un peu d´argent sur lui.
Il faut se battre pour puiser à la pompe un peu d´eau, qui rend malade et donne des boutons. ”Tout était sale. On faisait (...) là où on était”, raconte-t-il.
”Il y avait des gens malades, beaucoup de fièvres notamment chez les enfants” et personne pour les soigner, affirme-t-il, décrivant également un de ses co-détenus faisant une crise d´épilepsie sans que les gardiens n´interviennent.
Au bout de neuf jours, il cotise avec deux camarades pour acheter du vin à leur gardien, dont ils ont noté le penchant et, en pleine nuit, le saoûlent, avant de franchir le mur d´enceinte.
Alain-Noël Mouketou tente de récupérer chez lui quelques affaires, mais tout a disparu. Un petit café qu´il avait fait construire à Malabo est ”cassé en miettes”.
”Ils ont tout pris, n´ont pas laissé une seule fourchette”, dit-il. Plus de trace non plus de la voiture, qu´il faisait tourner dans Malabo comme taxi.
Le jeune homme trouve refuge à l´ambassade du Gabon, où il restera près de deux mois, en compagnie de cinq de ses compatriotes, qui avaient eu la chance de s´y réfugier avant d´être arrêtés.
Revenu le 5 mai à Libreville par un avion affrété par le président gabonais Omar Bongo Ondimba, il espère maintenant que l´Etat gabonais va lui rembourser ses biens perdus. Le président Bongo le lui a promis, affirme-t-il, lorsqu´il a rencontré ses concitoyens à l´ambassade, durant sa visite à Malabo le 31 mars.
”Je suis rentré seulement avec les habits que je porte aujourd´hui et un laissez-passer (délivré par l´ambassade). Je n´ai plus rien et je faisais vivre toute ma famille, ma femme et mes deux enfants depuis là-bas”, confie-t-il.
SOURCE : AFP
Fuente: Magdalena ADA - SERVICE PRESSE CRAMOEG